[Entretien Dominique Monney et Jacky Pihour - Groupe Laiteries Réunies] « La plupart de nos efforts pour diminuer notre consommation énergétique ont été amortis en moins de quatre ans »

[Entretien Dominique Monney et Jacky Pihour - Groupe Laiteries Réunies]  « La plupart de nos efforts pour diminuer notre consommation énergétique ont été amortis en moins de quatre ans »

 

Le Groupe Laiteries Réunies (300 employés, chiffre d’affaires de quelque 190 millions de francs) a récemment reçu le GIGA Trophée SIG de la Transition énergétique pour sa gestion énergétique qui lui a permis d’économiser 1.5 GWh/an, équivalant à la consommation de 500 ménages genevois, à l’aide du plan d’actions Ambition Négawatt Vision. Interview de Dominique Monney, directeur général depuis un an, et Jacky Pihour, responsable du service technique (ce qui inclut aussi l’environnement et la sécurité) et actif depuis près de dix ans dans cette entreprise centenaire basée à Plan-les-Ouates qui compte neuf filiales, dont Nutrifrais, Val D’Arve ou encore Del Maître.

-De quand datent les premières initiatives d’éco-responsabilité et par quoi les Laiteries Réunies avaient-elles commencé?

-D.M. et J.P. Nous avions commencé par le monitoring, et ce depuis 2009. Nous continuons à suivre les énergies de près : nous avons actuellement 120 compteurs dans l’usine qui permettent de mesurer le chaud, le froid, la consommation d’eau, les heures de fonctionnement, etc. Nous regardons les écarts, les analysons afin de comprendre à quoi ils sont dus et de pouvoir y remédier si nécessaire.

-Après monitoré ces différents postes, quelles ont été vos premières actions?

- D.M. et J.P. Nous avons commencé par l’isolation, avec une réfection des entrepôts frigorifiques (portes et toits) ce qui a permis d’économiser 132 MWh/an d’électricité. Il était logique de commencer par refaire l’isolation, avant de s’attaquer à la toiture, ce qui nous a alors permis de poser des panneaux solaires sur un toit sain. Concernant les panneaux eux-mêmes, nous avons procédé en trois étapes. Nous avons débuté en 2015 en louant nos toits à Prime Energy, ce que nous avons également fait lors de la deuxième phase. Enfin, nous avons installé des panneaux pour notre propre consommation, qui couvrent environ 13% de nos besoins. Aujourd’hui, nous avons 7’200 mètres carrés de panneaux solaires.

-Avez-vous également pris des mesures en termes d’éclairage ?

- D.M. et J.P. Oui, nous avons remplacé 4’000 tubes fluorescents par des LED, ce qui s’est traduit par une baisse de 75 % de notre consommation électrique. Nous avons commencé en 2016 par la plateforme logistique, car c’est l’endroit où les lumières sont allumées le plus longtemps. Et depuis lors, nous n’avons jamais eu besoin d’intervenir sur cette installation, car les LED ont une durée vie cinq fois supérieure à celle des tubes fluorescents.

Après la logistique, nous nous sommes tournés vers la production, où nous avons remplacé environ 800 tubes fluorescents par des LED. Bientôt, nous entamerons la 3e phase avec les bureaux.

-Quelles ont été les étapes suivantes ?

- D.M. et J.P. En 2017, nous avons rénové le réseau pour l’air comprimé afin de maîtriser les pertes, ce qui a permis une diminution de 150 MWh/an d’électricité. En 2020, nous avons installé dans notre atelier de réception et pré-traitement du lait deux nouvelles écrémeuses, plus performantes et moins énergivores.

Et maintenant, nous sommes en train de revoir toutes nos installations de froid, ce qui va d’une part nous permettre de diminuer de 15% notre consommation d’énergie et d’autre part de passer d’un stockage de 12 tonnes d’ammoniaque à un stockage de 250 kilos (ce qui réduit les risques environnementaux en cas de fuite).  Cette installation frigorifique, qui a une puissance équivalente à celle de la patinoire des Vernets, sera prête dès le 1e trimestre 2022. Cela dit, comme tout équipement de ce type, elle aura besoin d’une phase de rodage avant d’être utilisable à plein régime.

-Allez-vous entreprendre d’autres actions environnementales dans un proche futur ?

- D.M. et J.P. A part l’installation du froid évoquée précédemment, nous allons récupérer la chaleur (nos compresseurs chauffent lorsqu’ils fabriquent du froid) pour le chauffage à distance. Nous voulons en effet valoriser un maximum l’énergie.

-Vous parlez de récupérer l’énergie. Envisagez-vous d’autres actions en matière d’économie circulaire?

- D.M. et J.P. Nous avons un projet de méthanisation des yaourts et fromages qui est à bout touchant. Les rebuts de fabrication seront triés et partiront en méthanisation : le gaz fera tourner des turbines. Ce sera également le cas des produits dont la date de péremption a été dépassée.

Mais cette méthanisation équivaudra évidemment à la toute dernière étape. Avant cela, nous entreprenons diverses démarches pour éviter de jeter les produits. Ainsi, pour ceux qui sont encore consommables mais dont la date de péremption est proche (et qui ne satisfont donc pas les contrats de dates de la grande distribution), nous avons installé un chalet sur notre site qui les vend en direct. Nous travaillons aussi avec l’association Partage et avec des banques alimentaires afin de contribuer à leurs efforts envers la société.

-Comment les collaborateurs ont-ils réagi aux différentes actions visant à réduire la consommation d’énergie?

- D.M. et J.P. Nombre de nos collaborateurs sont sensibles à cette question et nous demandent d’entreprendre de telles actions. De manière plus générale, notre entreprise fonctionne par indicateurs et p.ex. s’il y a un écart dans notre monitoring d’indicateurs, nous demandons de comprendre d’où vient la différence et, si besoin, de la corriger. Par ailleurs, nous organisons des campagnes internes pour diminuer la consommation de papier dans l’entreprise, pour pousser les gens à éteindre la lumière dès que possible, etc. Nous sommes en train de monter une culture d’éco-responsabilité. Comme la qualité et la sécurité, celle-ci doit faire partie du travail de tous les jours.

-Y a-t-il des éléments qui vont ont étonnés dans cette route vers la réduction de CO2 et de l’impact environnemental ?

- D.M. et J.P. Nous faisons partie du programme de l’AEnEC (Agence de l’énergie pour l’économie) depuis 2013 et suivons un programme de réduction d’émissions de CO2. Nous avons une feuille de route pour participer à cette diminution (chez nous, il s’agit principalement du gaz). Cela nous a permis de progresser au fil des années. Comme nous connaissons la consommation de nos installations, lorsque nous prenons des mesures, nous projetons le résultat attendu, donc il y a rarement des surprises.

-En termes financiers, quel est le retour sur investissement de ces efforts?

- D.M. et J.P. Tout ce que nous avons entrepris, notamment en ce qui concerne les panneaux solaires ou l’éclairage LED, a eu un retour sur investissement inférieur à 4 ans. C’est assez impressionnant.

-A quelles difficultés avez-vous été confrontés ?

- D.M. et J.P. A très peu de choses, avant tout des détails. P.ex. dans l’entrepôt logistique, nous ne nous attendions pas à ce que les gens soient éblouis par les LED quand ils levaient la tête. Nous avons donc changé les réglages et adapté les puissances. Nous avons également fourni des lunettes anti éblouissement. Désormais, nous procédons chaque fois à des analyses pour répartir au mieux les LED.

-Auriez-vous des conseils à donner aux autres sociétés de production qui voudraient diminuer leur consommation ?

- D.M. et J.P. On ne peut s’améliorer que lorsque l’on connaît la situation. Il faut donc d’abord avoir des repères fiables et représentatifs de son activité, puis mettre en place des objectifs. Il faut ensuite regarder ses principaux postes de dépenses (chez nous, c’est la production de froid et de chaud) pour voir ce qui peut être entrepris afin d’arriver à des améliorations importantes. Une telle analyse permet d’entreprendre des démarches sur ce qui aura un fort impact.

-Vos fromages sont fabriqués à base de lait genevois et vaudois. Quelle est la part des circuits courts dans votre production en général ?

- D.M. et J.P. Nous collectons en effet le lait dans notre canton et un peu dans le canton de Vaud, jusque sur les hauts de Morges. Tous nos producteurs sont proches, ce qui est également le cas pour notre gamme de charcuterie Del Maître : le chaptel provient de la région.

-Vous attachez une grande importance à la proximité, y compris pour vos clients. Pouvez-vous expliquer les démarches que vous avez entreprises à ce sujet ?

- D.M. et J.P. Nous voulons toucher les consommateurs le plus près de chez eux possible. Nous avons ainsi développé l’application « Paniers d’ici » qui permettra dès l’année prochaine une commande de produits en ligne, qui seront livrés dans un point de retrait proche de leur quartier. Il y aura cinq points de retrait répartis dans Genève qui se trouveront dans les locaux de nos partenaires GRTA,

Nous sommes également en train de mettre en place un distributeur 24h/24 sur notre site, avec toute la gamme de nos produits, soit quelque 300 casiers. C’est intéressant pour tous les gens qui travaillent ici et, ultérieurement, pour les habitants du futur quartier des Cherpines.

-Au niveau de l’agroalimentaire se pose toujours la question des emballages. Avez-vous mis en place là aussi des actions permettant de limiter l’impact environnemental, p.ex. en diminuant l’utilisation de plastiques ?

- D.M. et J.P. Nous faisons de la veille technologique pour nous assurer d’être bien informés de ce qui est proposé par les fournisseurs et la science des matériaux. Nous avons l’intention de proposer un poste à des jeunes qui sortent d’une haute école afin qu’ils nous dressent une cartographie de l’existant pour nous aider à nous orienter vers des emballages encore plus éco-responsables.

Par ailleurs, nous menons un travail permanent d’optimisation de plastiques.

Cela dit, le processus de production est également important: nous nous efforçons d’optimiser nos lots de production afin d’éviter les changements fréquents de produits sur une même ligne, car ceux-ci génèrent des pertes d’emballages.

-Estimez-vous important de diriger une entreprise éco-responsable ?

- D.M. Je suis convaincu qu’une entreprise éco-responsable a un avantage compétitif. Les consommateurs sont attentifs à cette dimension. Mais cela doit être authentique et faire partie d’une vraie démarche.

Pour en savoir plus sur le Groupe Laiteries Réunies, cliquez ici.

Entretien et rédaction réalisés par Aline Yazgi pour l'équipe Genie.ch (publication le 07.12.2021).

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Rédaction

Modérateur

Vincent Jay

Chef de projets