Un matériau plus durable pour renforcer les ouvrages en béton

Dernière modification le 18/11/2019 - 18:04
Un matériau plus durable pour renforcer les ouvrages en béton

L'EPFL a mis au point une nouvelle génération de matériau cimentaire fibré ultra performant (BFUP) entre 60 et 70% plus écologique que le BFUP actuel. Il pourra servir à renforcer et à prolonger la durée de vie des ouvrages en béton existants, à l’exemple de ponts, et à en construire de nouveaux.

Environ 40% des émissions de CO2 mondiales sont liées au domaine de la construction. La production elle-même de béton représente une part importante de ces émissions. Or, les pays tels que la Suisse, qui connaissent un boom des constructions en béton depuis les années 1960, font aujourd’hui face à un grand défi, autant environnemental que technique: celui de leur entretien pour garantir leur sécurité sur le long terme. 

A l’EPFL, le Laboratoire de maintenance, construction et sécurité des ouvrages (MCS), dirigé par le professeur Eugen Brühwiler, a fait, en 25 ans, son expertise de ces enjeux. D’un côté, en développant des bétons plus écologiques et de l’autre, en effectuant des évaluations plus réalistes de la sécurité des infrastructures existantes, par des méthodes de monitoring notamment, à l’exemple de ponts routiers et de ponts ferroviaires en Suisse et ailleurs dans le monde. 

Dans le cadre d’une thèse de doctorat, un chercheur du MCS est parvenu à développer une nouvelle génération de matériau cimentaire fibré ultra performant (BFUP) qui, contrairement à sa formule actuelle, pourra se passer totalement des fibres en acier, tout en conservant les mêmes propriétés mécaniques. Ce nouveau BFUP est ainsi de 60 à 70% plus écologique que le matériau actuel et 10% plus léger. Ses propriétés sont si performantes qu’un premier transfert de technologie devrait avoir lieu en 2020 dans le cadre du renforcement d’un pont.

Mélange idéal

Amir Hajiesmaeili aime cuisiner et se débrouille plutôt bien dans ce domaine. Après un master en génie civil mené à l’Université de Téhéran, il a rejoint l’EPFL pour effectuer un doctorat, dans le cadre du projet du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) PNR 70, dédié au tournant énergétique. Durant près de quatre ans, il s’est aussi mis à «cuisiner» à l’EPFL, en mélangeant chaque semaine dans une cimenteuse différents types d’ingrédients sous la forme de poudre, en respectant leurs propriétés scientifiques et en suivant un modèle développé au MCS, dans le but de trouver un nouveau type de BFUP aussi résistant que celui déjà utilisé sur les chantiers, mais moins gourmand en CO2. Il a ensuite soumis ses échantillons à différents tests de résistance et de déformation et affiné ses calculs.

«Après trois ans d’échecs répétés, nous sommes finalement arrivés au mélange idéal, qui respecte, de surcroît, les hauts standards de la construction», explique l’ingénieur. La recette innovante, il l’a trouvée en remplaçant non seulement la fibre d’acier par une fibre synthétique de polyéthylène très rigide, permettant une bonne adhérence avec la matrice cimentaire, mais aussi en remplaçant 50% du ciment, utilisé habituellement comme liant, par de la poudre de calcaire disponible en grande quantité partout dans le monde. «Le point le plus difficile était de trouver le matériau qui assurait au mélange une texture homogène tout en présentant une résistance élevée.» 

Technologie suisse

Le BFUP de première génération est utilisé pour renforcer les ponts depuis 15 ans selon une technologie développée en Suisse et exportée à l’étranger qui permet de prolonger la durée de vie des ouvrages en béton. Son bilan CO2 est déjà inférieur à celui du béton armé traditionnel. «Avec ce type de matériau, nous ajoutons de la plus-value aux ouvrages existants que nos ancêtres nous ont transmis, car nous rendons ces infrastructures quasiment éternelles», commente Eugen Brühwiler, dont le laboratoire a déjà supervisé le renforcement plus de 100 ponts et bâtiments en Suisse. «De plus, cette solution est bien plus avantageuse sur le long terme, financièrement en environnementalement, que de détruire un ouvrage du passé, qu’il soit un pont ou un monument historique, pour ensuite le reconstruire.» 

Selon l’expérience d’Eugen Brühwiler, le transfert technologique n’est possible que lorsque toute la chaîne de construction sur un chantier jouit d’une bonne formation, comme c’est le cas en Suisse, du directeur à l’ouvrier, lorsqu’il y a un code de construction et grâce à des incitations financières et personnelles, qui aident les acteurs de la construction à changer leurs habitudes.

Article publié par l'EPFL 

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