[Interview] Coordination textile genevoise: mutualiser pour mieux aider et mieux recycler

[Interview] Coordination textile genevoise: mutualiser pour mieux aider et mieux recycler

Réunissant cinq associations caritatives, la Coordination textile genevoise est une association sans but lucratif qui, depuis 1994, mutualise la collecte de vêtements, textiles et chaussures usagés dans le canton de Genève. Un concept unique d’économie circulaire pour lutter contre la précarité et créer une chaîne de valorisation durable.

Entretien avec Typhaine Guihard, Présidente de la Coordination textile genevoise


Plutôt discret, le nom de « Coordination textile genevoise » s’affiche sur les Boîtes à fringues disposées aux quatre coins du canton. Qui est derrière cet organisme ?

La Coordination textile genevoise a été créée en 1994, il y a juste tente ans, et réunit Caritas, le Centre Social Protestant, la Croix-Rouge genevoise, Emmaüs et Terre des Hommes. L’idée fondatrice était de mutualiser les Boîtes à fringues, leur installation et leur entretien, afin de faciliter la collecte et la valorisation des vêtements à Genève dans le cadre de nos missions caritatives. En réunissant cinq associations, cette mutualisation est unique à Genève - et peut-être même en Suisse.

Quelle évolution avez-vous observée, au cours de ces trois décennies, notamment en regard de l’amplification de la fast fashion ?

Le textile est clairement devenu un bien de consommation trop courant… En 1994, nous récoltions 250 tonnes de vêtements, textiles et chaussures dans les Boîtes à fringues. En 2023, nous en étions à 2150 tonnes, auxquelles il faut ajouter les habits donnés directement aux organismes caritatifs. Nous estimons que la réalité doit être proche de 3000 tonnes. Cela veut dit trois millions de kilos de vêtements récoltés à Genève chaque année…

Comment s’organise la collecte ?

Chaque jour, nous collectons environ sept tonnes de textiles grâce à des tournées de ramassage assurées par des compagnons d’Emmaüs. Ces vêtements peuvent ensuite être livrés à l’un des cinq centres de tri, en fonction de leurs demandes. Ils trouvent ainsi un complément aux dons reçus en direct.

Les vêtements sont triés – par catégorie, taille, saison, etc. – et en fonction de leur état. Ceux qui sont conservés sont, si nécessaire, valorisés, lavés et repassés puis rejoignent les boutiques des associations caritatives ou le Vestiaire social.  

Arrivez-vous à faire face à ce volume impressionnant ?

Ce qui est sûr, c’est que nous ne pouvons pas suspendre la collecte, faute de quoi les Boîtes à fringues déborderaient rapidement. Ce que l’on n’arrive pas à valoriser dans le cadre de notre mission, nous le revendons à la tonne à la société Texaid, l’un des acteurs majeurs du recyclage des textiles en Europe.

Dans la chaîne de traitement collecte - tri - valorisation, le tri est décisif en termes de valorisation économique et écologique. Les collaborateurs de Texaid assurent une tri manuel, selon une soixantaine de critères, pour atteindre un taux de « seconde main », soit la part de vêtements qui seront revendus et demeureront dans le cycle des textiles, de 58%. C’est au-dessus de la moyenne de la branche en Europe, qui tourne autour de 45-50%.

En retour, l’argent récolté par cette vente nous permet de financer les projets sociaux de nos cinq membres.

En assurant la collecte des textiles, votre rôle social se double d’une mission au service des communes genevoises…

Absolument, les deux sont liés. Le développement de la Coordination textile a été soutenu par l’Association des Communes Genevoises et nous sommes aujourd’hui rémunérés par les communes pour assurer cette prestation de collecte.

Mais nous faisons face à la concurrence de sociétés privées qui installent leurs boites dans certaines communes. Nous devons convaincre par notre rôle social et notre impact local : par notre action, nous venons en aide aux personnes en situation de précarité et nous créons des emplois solidaires tout en assurant le recyclage des textiles, dans un contexte d’économie circulaires et de respect des principes du développement durable.

Même nos Boîtes à fringues sont fabriquées à Genève, par la serrurerie Klein au Lignon. Et bien sûr, nous pouvons garantir avec Texaid une filière de recyclage la plus responsable et durable possible.

Présidente de la Coordination textile genevoise, vous êtes également responsable du Vestiaire social. Comment est-il organisé ?

Le Vestiaire social est un lieu de distribution de vêtements et de chaussures de seconde main pour toute personne en situation précaire résidant dans le canton. Quatre-vingt personnes travaillent ici, dont environ 60 bénévoles, dix personnes en insertion professionnelle et six salariés.

Annuellement nous trions 140 tonnes de vêtements, soit 12’000 distributions d’un ensemble complet d’habits à plus de 9’000 personnes - avant le COVID, nous n’en étions qu’à 5500 distributions par année…

Installé à la rue Blavignac depuis fin 2022, le Vestiaire social est appelé à déménager…

En effet, il est prévu de déménager en 2026 avec les Colis du Cœur – qui sont déjà nos voisins - ainsi que l’Atelier Galiffe du CSP pour nous installer à Plan-les-Ouates, au Chemin de la Cartouchière, sur l’ancien site de la Renfile. Ce rapprochement nous permettra des synergies inédites et la mutualisation des infrastructures. Un très beau projet !

 

https://coordinationtextile.ch/

Crédit photos: Rebecca Bowring Eric Roset (portrait),


Si 58% des textiles triés par Texaid rejoignent la filière de la seconde main, environ 42 % des articles collectés ne peuvent plus être portés...
- Env. 17% sont transformés en chiffons, utilisés dans l'industrie (nettoyage, polissage).
- 17% sont recyclés, transformés en fibres mélangées à d'autres matériaux ou en isolants.
- Seul 8% du volume collecté est incinéré.

Texaid est engagé dans plusieurs projets de recherche pour faciliter l’identification de la composition de matériaux et la séparation des fibres.


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Auteur de la page

Sébastien Bourqui

Genie.ch