[Entretien avec Sonja Molinari] Le rôle pionnier des communes : l’exemple de Carouge

 

Parce qu’elles connaissent leur territoire sur le bout des doigts, les communes sont en première ligne pour initier et accompagner l’innovation en matière de durabilité, d’écologie industrielle voire d’économie circulaire. Après avoir présenté plusieurs projets mis en œuvre par Carouge, nous avons cherché à en savoir plus sur le fond de cette démarche pionnière.

Rencontre avec Sonja Molinari, Conseillère administrative à Carouge

Parmi vos dicastères figurent notamment l’Environnement et le Développement durable. Comment concevez-vous le rôle des communes dans l’élaboration de nouveaux modèles dans ces domaines ?

Je le résumerais en trois éléments clés. En tant que ville nous avons la responsabilité de valoriser ce qui existe au cœur de notre tissu économique local, d’innover et d’être exemplaire.

Qu’entendez-vous par « valoriser ce qui existe » ?

Cela signifie soutenir la mise en relation et le potentiel des circuits courts entre les entreprises carougeoises. Dans ce contexte nous avons récemment organisé un premier événement de réseautage et de partage autour du thème Entreprises en transition : innover pour demain. De fait, la question de la transition environnementale et énergétique était au centre des débats : l’idée était d’offrir un moment d’échanges et de partage d’informations, avec des représentants de la DG DERI, de GENILEM et des SIG.

Le but était aussi que les entreprises fassent connaissance, que chacune découvre ce que fait sa voisine. Un succès, avec plus de 180 participants représentant plus de cent entreprises - service, industrie mais aussi artisanat. Il démontre un réel besoin et une réelle envie de la part des PME comme des entreprises plus grandes, qui cherchent à adapter leur modèle vers plus de durabilité et de circularité sans toujours savoir par où commencer.

Et concernant l’innovation et l’exemplarité ?

Notre ville possède la taille critique pour innover, en lançant ou en soutenant des pilotes à l’échelle de la commune ou d’un quartier. Sachant qu’encourager l’innovation c’est aussi accepter que l’on puisse se tromper. Enfin, nous nous devons d’être exemplaire en tant qu’entité publique afin de sensibiliser et convaincre chaque habitant et chaque entreprise d’adapter leurs habitudes. Je pense par exemple au programme Zéro déchet ou encore à notre collaboration en tant que ville pilote à un projet européen pour une meilleure gestion de l’eau en ville

En tant que magistrate, quelle est votre vision de l’économie circulaire ?

Souvent, une boucle d’économie circulaire est inopérante parce qu’il manque un bout… C’est là que les communes peuvent intervenir. L’exemple du PAV est intéressant : nous cherchons à travailler en amont avec les maitres d’ouvrages pour mieux coordonner les chantiers afin que des solutions innovantes soient considérées et privilégiées en matière de tri, de transport - le rail est à proximité, à nous d’apporter l’impulsion et/ou de soutenir son utilisation comme alternative aux camions - et de réutilisation du béton.

La valorisation des déchets minéraux de chantier est encore sous-exploitée. Dans le cas où nous sommes maitre d’ouvrage, nous pouvons aussi dès le début des projets faciliter et encourager leur réutilisation. Les potentialités sont énormes.

En parlant de construction et de patrimoine bâti, Carouge a achevé des projets de rénovation d’envergure et s’apprête à en lancer d’autres…

Parmi eux, nous avons modernisé le système énergétique et l’isolation la Salle de fêtes mais en cherchant à conserver un maximum d’éléments : par exemple, l’éclairage est passé aux LED, mais les luminaires sont les mêmes. Lors de la construction du nouveau Théâtre de Carouge, du béton provenant des dalles de l’ancienne structure ont été réutilisées à Meyrin.

Quant aux prochaines échéances, un second volet de rénovation va être lancé concernant l’éclairage des bâtiments publics. Pour les espaces publics, notre « Plan lumière » va se poursuivre et a déjà permis de réduire la consommation de manière significative. En matière de rénovation énergétique, l’École de Pervenches va bénéficier de travaux très importants qui tiendra compte de contraintes patrimoniales. A ce propos, saviez-vous qu’environ 40% des bâtiments carougeois sont inscrits, à différents niveaux, au Recensement architectural du canton (RAC) ?

Pour prendre de la hauteur, comment Carouge envisage-t-elle le futur de son urbanisme ?

Nous préparons le Plan Directeur Communal en plaçant au cœur de nos réflexions les questions de la santé et de bien-être des habitantes et habitants dans un contexte de réchauffement climatique. Pour trouver des solutions, nous avons exploré les liens de solidarité, entendus au sens large : entre quartier, pour penser la répartition des services, entre générations, etc. Prendre ce point de vue change toute la portée de nos politiques publiques.

Aujourd’hui, la conception même de la ville doit être centrée sur la décarbonisation et la résilience climatique. Il faut penser végétalisation et arborisation, îlot de fraicheur, espaces publics généreux et de qualité, sols perméables, présence accrue de l’eau en ville, etc. Cela implique de favoriser la mobilité douce, par des parcours sécurisés et continus, des trottoirs plus larges, ombragés, etc. Lors du développement de nouveau quartiers, comme le PAV, une attention particulière est portée aux rez-de-chaussée des bâtiments afin de définir très en amont les meilleures options pour mettre en place la Ville des 10 minutes. Ceci implique de prévoir des espaces pour une variété de commences, pour l’artisanat mais aussi pour les services publics.

Au-delà des questions d’urbanisme, la ville a aussi un rôle à jouer en appuyant les circuits courts et la lutte contre le gaspillage. Pensons à l’alimentation : 30% de la production agricole est aujourd’hui gaspillée (dont une part importante par les ménages). Il est essentiel d’informer et de sensibiliser - le programme communal Zéro déchet est fait pour cela.

Entre l’échelon communal et cantonal, quel est le poids des initiatives réunissant plusieurs communes ?

C’est une excellente piste pour mutualiser des infrastructures mais aussi pour soutenir des initiatives publiques ou privées. Ainsi, en cherchant une solution de logistique urbaine, le fameux dernier kilomètre, nous participons avec la Ville de Genève, Meyrin et le Grand Saconnex au projet mené par OVO, soit l’implémentation d’un service de livraisons en vélos-cargo avec des points-relais à proximité de la ceinture urbaine. Il rationalise la distribution, diminue les nuisances (bruit, pollution) dans la mesure où il réduit le nombre de véhicules de livraison motorisés en ville.

Une initiative comme Commune-Renove, soutenue par SIG et à laquelle participe plusieurs communes, se révèle aussi très intéressante en dynamisant des projets aussi bien publics que privés. De manière générale, la coordination est aussi indispensable pour qu’une solution prise dans une commune ne devienne pas un problème qui se reporte ailleurs.

 

www.carouge.ch/agenda21

 

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Auteur de la page

Sébastien Bourqui

Genie.ch