Le béton de terre d'Oxara mis en œuvre par Marti Construction au palmarès du DEFI’23 de la FTI

Le béton de terre d'Oxara mis en œuvre par Marti Construction au palmarès du DEFI’23 de la FTI

Lauréats du DÉFI’23 de la FTI, au 2e rang dans la catégorie Réalisations, Marti Construction et Oxara ont convaincu le jury avec la mise en œuvre d’un prototype de terre coulée, un béton de terre sans ciment. Appliqué à la construction, il peut remplacer le béton conventionnel sur certaines applications avec une empreinte carbone divisée par 20 selon les usages.

Rencontre avec Chloé Houette, Conductrice de travaux chez Marti Construction SA et Thibault Demoulin, Co-fondateur d’Oxara

 

 

Le point de départ de votre collaboration, c’est d’abord une question d’additif…

Thibault Demoulin : En effet, l’enjeu est d’appliquer une technologie développée à la Chaire de construction durable de l’EPFZ et mise sur le marché par Oxara. Gnanli Landrou et moi-même avons créé cette spin-off de l’École alors que nous étions doctorants en science des matériaux. Notre créneau est la mise au point d’additifs et de liants qui ont pour but de faciliter la réutilisation de déchets de construction, une ressource cachée, abondante et non-exploitée. Dans ce contexte, nous avons élaboré un béton de terre, appelé aussi terre coulée.

Chloé Houette : Marti Construction travaille avec Oxara depuis 2019. Nous portons un grand intérêt pour faire évoluer nos métiers vers des modes constructifs plus durables et pour nous, l’innovation est double : outre la dimension environnementale, le béton de terre a l’avantage d'utiliser les mêmes techniques constructives que le béton - contrairement aux anciennes techniques de construction en terre comme la bauge ou l'adobe, qui nécessitent un savoir-faire particulier.

Quels sont les domaines d’application de ce béton de terre ?

CH – L’idée est de remplacer le béton classique là où il n’est pas nécessaire, par exemple sur des éléments verticaux non porteurs ou porteurs sur du rez-de-chaussée voire du "rez +1". Parce que l’on a industrialisé la production de béton, il est devenu facile à mettre en place, très abordable, facile à calculer, à dessiner, son utilisation est devenue presque systématique sans que son utilisation soit justifiée. C’est une habitude que l’on aimerait faire évoluer afin de promouvoir "le bon matériau a bon endroit" et d'améliorer le bilan carbone de la construction traditionnelle.

TD - La résistance du béton « normal » est mesurée entre 20 et 30 mégapascals (MPa). C’est dix fois moins pour le béton de terre, dont les propriétés sont similaires à celles du pisé, mais avec une mise en œuvre plus simple.

Vous évoquez les « habitudes ». Est-ce un frein au changement ?

TD – Il est vrai que l’on innove en cherchant à ne pas trop changer les habitudes ; c’est, il nous semble, la façon la plus rapide de changer de façon significative l’impact environnemental énorme de la construction. L’autre frein à l’adoption de notre technologie est l’absence de certification pour ce genre de produits. Rien ne facilite le remplacement du béton mais cela ne nous empêche pas d’effectuer des tests mécaniques sur les matériaux pour les mettre ensuite à disposition des ingénieurs.

CH – Les habitudes doivent changer. Entre la raréfaction du sable, les émissions de CO2 engendrées par la production de ciment, la saturation de nos décharges, il est temps de prendre conscience que nos modes constructifs ont un impact trop important. Les évolutions réglementaires encouragent de plus en plus la rationalité, marquant le début d'une tendance à poursuivre.

Est-ce que l’on peut qualifier votre additif de durable ?

TD - C’est un mélange d’additifs minéraux, non nocifs et non toxiques. Il est utilisé en petite quantité, moins de 15 kg par m3, mélangé à de l’argile ou des résidus fins issus du lavage de gravier. En plus, son utilisation permet de disposer d’un matériau doté d’une empreinte carbone bien inférieure à celle du béton : entre 12 et 32 kg/CO2 par m3 pour la terre coulée contre 250 pour un béton classique !

Quel projet avez-vous précisément soumis au DÉFI’23 ?

CH – Nous avons construit un prototype à l'échelle 1:1, qui a pris la forme d’un pavillon à Carouge. Nous y avons testé différents types de terres, typiques des sols genevois comme la moraine ou l’argile, mêlés à des agrégats naturels, recyclés ou partiellement recyclés. Au total, nous avons appliqué douze recettes pour couler les douze modules qui constituent le pavillon. Une fois ces modules déplacés et mis en place en forme rectangulaire, un second bétonnage a été réalisé afin de tester différents types de clavages, de portes et fenêtres. Nous nous sommes accordé un maximum de liberté pour en tirer un maximum d’enseignements et définir à la fois la recette et le matériau appropriés.

Au final, le meilleur mélange testé est à base d’argile et de boues de lavage. Et nous avons confirmé que la mise en œuvre du béton de terre ne pose aucun problème aux maçons car il recourt aux mêmes outils et savoir-faire que le béton classique.

Quelles seront les prochaines étapes ?

CH – Je dirais des projets permettant sa mise en œuvre. À ce stade, nous restons dépendants de la volonté des architectes et des maîtres d’ouvrage. D’un autre côté nous avançons pas à pas dans l’application de cette technique, par exemple en réalisant des aménagements extérieurs à Vandoeuvres, ou encore des élévations à Confignon. Nous avons la chance de concevoir nos futurs bureaux à Meyrin et prévoyons de mettre en œuvre ce matériau au sol et aux murs.

TD – Pour nous, la prochaine étape est l’industrialisation de nos moyens de production. Et nous attendons beaucoup des maitres d’ouvrage institutionnels qui ont souvent un rôle moteur pour favoriser l’émergence de nouvelles technologies et qui peuvent exiger ces matériaux dans les nouvelles constructions. Il faut savoir que 20 à 30% des volumes de matériaux d’un bâtiment pourraient être remplacés par du béton de terre. Le potentiel est immense, en termes d'économie de ciment ou d'utilisation de terre, considéré actuellement comme un déchet de construction.

 

Plus d'informations sur le site de Marti Construction et d'Oxara

 

En octobre 2022, la FTI lançait le DÉFI’23 aux entreprises, artisans et start-up du secteur secondaire, afin de contribuer au développement durable de l’activité industrielle. Concrètement, cet appel les invitait à soumettre un projet ou une réalisation participant à l’optimisation de la performance énergétique de l’industrie, thème choisi pour cette première édition. Les trois lauréats ont été dévoilés le 5 octobre.

Pour retrouver les contours et caractéristiques du DEFI’23  sur le site de la FTI

 

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Auteur de la page

Sébastien Bourqui

Genie.ch